Publié le lundi, 13 avril 2015 dans Cadres Infos (UGICT-CGT) numéro 716 « Égalité femmes-hommes : l’enjeu de la classification « à télécharger ici en .pdf
La Cgt et l’Ugict ont ouvert trois chantiers particulièrement importants pour vaincre les inégalités professionnelles et salariales femmes-hommes : négociation d’entreprises, classifications et articulation vies professionnelle-familiale-sociale.
Non-mixité chez les ICT : quelques chiffres et repères :
• 36 % des femmes sont cadres dont 80 % dans la communication, création santé, social ; culture : 71 % ; RH : 67 % ; gestions, finance, administration : 56 % ; production : 10 % ; informatique : 20 %, études et R&D : 25 %.Ségrégation verticale
• Les femmes sont sous-représentées dans les postes à responsabilités. Idem dans la fonction publique : FPE, les corps et emplois de direction et d’encadrement : 28 % de femmes ; emplois de direction de la FPT : 25 % de femmes ; directeurs d’hôpital 40 % de femmes.
• La mixité progresse dans les métiers qualifiés, sauf dans le secteur de l’informatique. Sur les trente dernières années, 5 métiers étaient masculins et sont devenus mixtes, surtout des métiers très qualifiés : cadres administratifs comptables et financiers, cadres de la fonction publique, cadres des banques et assurances, attachés commerciaux et représentants.
Négociations en entreprise : doit mieux faire
La négociation d’accords égalité dans les entreprises s’est développée depuis le décret du 18 décembre 2012 prévoyant une sanction financière pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale pour les entreprises n’ayant pas ouvert de négociations. Pour autant, seules 36,5 % des entreprises remplissent l’obligation légale de conclure un accord ou à défaut d’élaborer un plan d’action.
Sans compter que les accords se limitent généralement à des déclarations d’intention et ne contiennent ni diagnostic précis de la situation, ni aucun objectif chiffré de progression (cf. par exemple le Rapport du CSEP)
À la mi-novembre 2014 (derniers chiffres disponibles), 1356 entreprises ont fait l’objet d’une mise en demeure et 45 ont été sanctionnées pour non-respect de leurs obligations.
Pas étonnant dans ces conditions que la menace ne soit pas crédible et conduise près des trois-quarts des entreprises à s’exonérer de leurs obligations légales qui n’impliquent pourtant pas, rappelons-le, que la négociation qui aura abouti ou l’accord qui aura été pris unilatéralement par l’employeur soit bien de nature à supprimer les inégalités femmes-hommes dans l’entreprise.
La négociation doit théoriquement se baser sur un diagnostic chiffré, via un rapport de situation comparée (RSC) pour les entreprises de plus de 300 salarié-e-s ou un rapport de situation économique (RSE) pour les entreprises de 50 à 300 salarié-e-s. Le respect de cette obligation ne permet pas nécessairement de faire apparaître les inégalités salariales.
En cause notamment : un calcul sans prise en compte du déroulement de carrière et des inégalités accumulées tout au long de la vie professionnelle. Quand les entreprises assujetties à cette obligation la respectent effectivement, la qualité des données rassemblées laisse souvent à désirer et ne permet pas de mettre au jour les inégalités de salaires entre les femmes et les hommes.
D’où l’ajout par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle d’un domaine supplémentaire : celui du déroulement de carrière précisément. à charge pour les partenaires sociaux de déterminer les indicateurs obligatoires.
La Cgt est à l’offensive sur le sujet depuis des années, notamment avec la méthode élaborée par François Clerc (CGT), et elle est à la manœuvre également au sein du groupe de travail du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP) qu’elle copréside – le rendu des propositions est attendu pour la fin avril et un décret en Conseil d’état est prévu avant l’été 2015.
La négociation de branches et l’enjeu des classifications
La négociation collective sur l’égalité professionnelle femmes-hommes doit également s’intensifier dans les branches avec la loi du 4 août qui impose de prendre en compte le caractère potentiellement discriminatoire des critères d’évaluation des emplois au moment des renégociations quinquennales. L’enjeu : que les classifications professionnelles ne minorent pas la valeur des emplois occupés majoritairement par les femmes et permettent de respecter le principe « à travail de valeur égale, salaire égal » inscrit en droit français depuis… 1972.
Les femmes et les hommes n’occupent pas les mêmes emplois, y compris dans nos catégories (cf. encadré chiffres). Elles sont majoritaires dans des métiers socialement et financièrement dévalorisés où leurs qualifications ne sont pas reconnues car assimilées à des prétendues « compétences naturelles », donc non rémunérées. Là encore, la Cgt, pionnière sur le sujet, est à la manœuvre, mais fait face à l’opposition forcenée du patronat. Un groupe de travail paritaire, issu de la conférence sociale de 2013 devait rendre ses travaux en mars 2014 et devrait très prochainement « accoucher d’une souris », mettant à nouveau le gouvernement face à ses responsabilités.
Articulation vies professionnelle, familiale et sociale : changer les mentalités
Troisième et dernier chantier : l’articulation entre les vies professionnelle, familiale et sociale. Autre point « dur » des inégalités professionnelles et salariales entre les femmes et les hommes : l’inégal partage des tâches domestiques et parentales. « Le privé est politique » disaient les féministes des années 1970 pour évoquer la sexualité, la contraception et l’avortement. Aujourd’hui que le droit à l’avortement a été conquis – son exercice effectif reste toujours à défendre – ce slogan pourrait volontiers s’appliquer à la sphère familiale et aux conséquences pénalisantes pour les femmes, en termes de salaire et d’emploi, de ces « arrangements » de couples.
Les entreprises ne sont pas hors de la société, elles en sont des actrices et peuvent promouvoir le changement des mentalités et des pratiques. Elles ont d’ailleurs tout intérêt à le faire d’un point de vue économique. Ce qui doit notamment passer par la promotion d’une culture d’entreprise valorisant (ou au moins ne dissuadant pas) les femmes et les hommes d’assumer pleinement leur rôle parental et implique donc, entre autres, de mettre fin au culte du présentéisme à l’aune duquel sont bien trop souvent évalué-e-s les salarié-e-s. Les pouvoirs publics aussi peuvent contribuer à une meilleure articulation en soutenant le développement de places d’accueil pour les jeunes enfants et en promouvant une parentalité partagée avec un congé parental mieux rémunéré.
Au total, nous devons œuvrer simultanément sur ces trois fronts – parmi d’autres qui ne sont pas détaillés ici. La CGT et de son Ugict, ont le pouvoir de contribuer à faire avancer ces chantiers et enfin progresser la société et l’entreprise vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes. Galvanisant, n’est-ce pas ?